Heaven E. Hopkins ▲ I'll make this good boy go mad !

Heaven's Story "Cause I'll make this good boy go mad !

La baie de New-York. Selon la définition que l'on en donne, elle désigne l'étendue maritime formée à New York par l'embouchure de l'Hudson River, lorsque celle-ci se jette dans l'océan Atlantique. Il s'agit aussi du premier paysage que l'on peut apercevoir en arrivant dans la ville par le ferry. Mais pour moi, il s'agit bien plus qu'une simple ouverture d'eau s'offrant à l'Amérique. Il s'agit de l'origine de ma venue au monde, du premier morceau de terre Américain que toucha le pied de mon père. D'un petit point sur la carte dont je n'ai plus le moindre souvenir mais dont je chérie chaque jour l'existence.

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1989. Cynan Lloyd, jeune écrivain Gallois alors âgé de vingt-trois ans vient de s'offrir son premier long voyage afin de venir achever son œuvre en Amérique. Loin de son Pays de Galles natale, et fier de découvrir la saveur de l'indépendance, c'est seul qu'il emménage dans un petit studio miteux de Manhattan. Son voyage lui a coûté les économies de sa maigre vie, ainsi que la plupart de celles de ses parents, mais il n'en a cure. Seule compte l'inspiration, et malheureusement, cette dernière l'a déserté depuis bien longtemps. Par ailleurs, ce voyage n'est que temporaire. Cynan le sait : il n'est pas ici pour vivre le si pourvu «rêve Américain», mais pour se retrouver, pour changer d'air, et recouvrer un état d'esprit propre à l'écriture.
Les gens ne se rendent pas compte à quel point une simple rencontre peut changer leur vie. Et Cynan ne s’en rendait pas compte non plus à ce moment-là. Pour lui, les gens étaient alors juste fait pour être croisés. Certains faisaient un bout de chemin avec lui, devenaient des connaissances, des amis, des amours qu'il perdait de vue un moment pour mieux les recroiser plus tard. Leur absence ne lui évoquait rien, et leur présence le réjouissait à peine. D'un point de vue moral, Cynan était quelqu'un que l'on pouvait désigner de piètre ami, et il ne le savait que trop bien : il ne s’attachait pas, personne ne lui manquait, ni ses parents, ni ses amis. Et il s'était, d'après lui, toujours bien porté d’être aussi solitaire. Toujours. Jusqu’à ce qu’il la rencontre. Elle. Anna Hopkins. A première vue, elle n'avait pourtant rien qui ne soit enviable aux regards des autres. C'était une femme, dans la vingtaine, ni belle, ni laide. Juste jolie. Habillée comme tout le monde, sans artifices, ni accessoires clinquants : le genre de femme qui se perd dans la foule et dont l'existence s'efface dans la masse humaine. Mais Anna Hopkins, était également une fervente cliente du « Coffee bean », le café ouvert 24h/24 en bas de la rue de Cynan. Chaque matin lorsqu'il commandait son double café crème, elle était déjà là, attablée, lisant tranquillement son journal une tasse de thé Ceylan fumante devant elle, et un muffin myrtille/chocolat blanc à portée de lèvres. Il ne la vit pas le premier jour. Ni même le second. Oui, il fallut bien un mois au jeune Gallois avant de remarquer «la femme du Coffee Bean». Il lui fallut presque autant de temps pour s'intéresser au fait que le plus souvent elle préférait au New-York Times un vieux classique de la littérature, ce genre de livres que tout le monde connaît de nom mais que personne ne lit jamais en entier sans qu'on lui en ait forcé la lecture. Elle lisait Beckett, Christie, et King. Tolstoï, Bosco, et Montherlant. Il répertoria entre ses mains, les plus grands noms, les plus belles œuvres. Et devant elle le matin, à 07h36 précisément, toujours la même tasse de thé fumante à laquelle elle ajoutait un demi-sucre et un nuage de lait. Dans sa main toujours le même muffin qu'elle troquait parfois contre celui au citron. Porté par l'intrigue que cette inconnue faisait naître en lui, comme d'un réflexe miraculeux, Lloyd tira sa plume et son carnet de notes qu'il barbouilla de lignes tout en lui jetant des regards saccadés. Il reproduisit le même schéma, chaque jour de son existence, ne vivant plus que pour l'arrivée de «la femme du Coffee Bean» à 07h36 précisément. L'inspiration. Elle lui revenait. Plus forte et plus fertile que jamais, de sorte qu'après seulement quatre mois de cette opération, il appuyait religieusement sur le « . » de son clavier pour mettre un point final à son œuvre. Voilà, il avait achevé ce pour quoi il était venu, ne lui restait plus qu'à rentrer. Le lendemain, par réflexe c'est à 07h36 qu'il se trouva au Coffee Bean. Mais la femme n'était plus là. Elle ne revint pas le jour suivant non plus, ni celui d'après, tant et si bien que Cynan cru devenir fou de douleur. Où était-elle cette femme ? Cette amante silencieuse dont il ne connaissait pas le nom mais à laquelle il ne faisait que penser ? La reverrait-il un jour ? Et si ce n'était pas le cas...

Deux semaines passèrent. La femme du Coffee Bean revint à sa place. Son thé, son muffin, sa lecture. Mais cette fois-ci, le silence ne suffisait plus. Observer n'avait plus rien d’attrayant. Il alla à sa rencontre, réalisant que sur l'étiquette du thé qu'elle buvait se trouvait une appellation qui, à deux lettres près, formait son prénom. Il lui raconta d'une traite l'aventure qu'elle lui avait fait vivre sans en avoir conscience et les sentiments qui en avaient découlé. Il se confondit en paroles tendres, tentant de faire comprendre son ressenti sans passer pour un fou jusqu'à ce que la femme du Coffee Bean n'éclate de rire en lui confiant qu'elle se demandait quand «le garçon au café crème» viendrait la voir. Jusqu'à ce que «la femme du Coffee Bean» ne devienne Anna Hopkins. Jusqu'à ce que le «garçon au café crème» ne redevienne Cynan Lloyd. Elle lui fit remarquer que son prénom ressemblait à l'appellation du thé qu'elle affectionnait tant. Il sut qu'elle était la femme de sa vie, et qu'il ne quitterait plus jamais l'Amérique. De même, il sut que malgré l'échec que fut la publication de son livre, avec elle à ses côtés rien ne lui serait impossible. En moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire, leurs vies vinrent se confondre, et se calquer sur les étapes de la vie : emménagement, fiançailles, mariage. Et enfin, le 6 août 1992, Heaven.



Une petite fille dont la chevelure dorée se confondait à la sienne, et dont les yeux à peine ouvert brillaient déjà comme des diamants. Elle était le fruit de leur amour, le sommet du bonheur. Son nom, il eut l'honneur de le choisir, et n'eut aucun doute le concernant. Il s'occupait du nouveau-né comme d'un trésor fragile et inestimable. Puis les années passèrent et emmenèrent avec elle les ombres du quotidien. L’émerveillement qu'avait provoqué la naissance de sa fille ne perdura pas lorsque cette dernière commença à grandir, quant à Anna, elle n'était plus ni une muse, ni la femme du Coffee Bean. Pas même la déroutante Anna Hopkins. Elle s'effaçait entre «Anna» et un «chérie» qui n'avait plus rien de tendre. Ni belle, ni laide. Juste jolie, avec quelques rides et rondeurs en plus. Et plus elle s'effaçait, plus sa femme se débattait pour exister à ses yeux, de sorte que très vite, ses cris et ses pleurs vinrent s'ajouter à leurs rituels. La détresse de cette femme lui semblait inexplicable, tout comme la violence de la retombée de ses propres sentiments. Comment avait-il pu aimer si fort pour ne plus que supporter à présent ? Il ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas plus. Quant à la petite Heaven qui ne cessait de croître en tout point, elle apprenait la vie à travers une mère constamment larmoyante et un père mécanique, l'embrassant et lui disant qu'il l'aimait comme on dicterait une recette de cuisine.

La petite Heaven avait cinq ans, presque six, lorsqu'un matin d'école elle ne fut pas réveillée par ses parents. Il était près de dix heures du matin quand la petite sortit du lit, et gagna le salon les yeux ensommeillés et plein d'incompréhension. Sa mère était assise à table, le visage fermé. Par terre, gisaient en abondance les représentations photographiques du visage découpé de son père, tandis que ciseaux à la main, Anna Hopkins rayait de sa vie l'existence de Cynan Lloyd. Moins d'un an plus tard, le divorce était prononcé et officialisé sans que jamais Heaven ne le revît. Quant aux petites têtes de photos découpées, elles étaient désormais soigneusement rangées dans le fond du coffre à jouet de la petite Heaven Lloyd, qui désormais s’appellerait Heaven Hopkins. Le choc fut lourd pour l'enfant auquel la situation échappait complètement. Chaque fois qu'elle faisait mention de son père, elle se faisait d'abord gentiment reprendre, avant d'être violemment réprimandée. Son père était «un menteur, et un lâche». « L'amour ça n’existe pas. Seules les mamans peuvent aimer, le reste n’existe pas, et n'est que mensonge ». Autant de paroles que la douleur, la frustration, et la colère vinrent arracher à Anna Hopkins, alors bien loin de se douter que ces mots resteraient gravés à jamais dans le cœur de sa fille.

Résolue à ne plus blesser sa mère, la petite Heaven cessa de parler de son père, et promit de se comporter comme sa mère le faisait : en faisant mine de ne jamais avoir entendu parler de son existence, mais en le chérissant de tout son cœur en silence. A l'école, il manque désormais un papa pour accompagner la classe à la piscine le lundi matin, et sur son carnet de correspondance, plus qu'une seule signature. On demande à Heaven à quelle adresse envoyer le second exemplaire de son bulletin, destiné à son père. Elle répond qu'elle ne sait pas, que «papa est juste partit». A l'école, tandis que ses notes montent en flèche (On ne sait jamais, si un jour, l'école peut envoyer le « deuxième bulletin », elle veut que son père soit fier d'elle, et peut-être même que cela l'encouragera à revenir.) paradoxalement, la petite Heaven se renferme, se montre parfois insolente, et bagarreuse. Ses professeurs comprennent, du moins c'est ce qu'ils disent, mais aucun ne parvient à gérer l'expression de la douleur silencieuse de cette brillante petite fille. L'institutrice puis l'assistante sociale s'en mêlent, et conseillent à Anna Hopkins de faire prendre l'air à sa fille, de prendre du recul. Ça tombe bien, elle avait justement besoin de vacances elle aussi, et son amie Michelle lui propose depuis longtemps maintenant de venir la rejoindre dans sa grande maison à la Nouvelle-Orléans le temps d'un voyage. C'est ainsi que l'été venu, les deux filles s'envolent pour la Louisiane. Le séjour se passe à merveille : Anna est souvent absente, mais s'amusant en compagnie des filles de Michelle, Heaven n'y prête pas attention, et ne se demande même pas ce que fait sa mère. Les journées là-bas sont agréables, et douces. Dans les rues, des joueurs de jazz rythment la ville tandis que les enfants jouent sur les bords du Mississippi et que le soleil leur brûle la peau. Quand enfin le voyage prend fin, mère et fille quittent la région à regrets, mais étonnamment, c'est bien Anna qui semble la plus déçue. Elle qui semblait si enjouée ces derniers temps, si... heureuse ? Depuis combien de temps Heaven n'avait-elle pas vu sa mère ainsi ? L'avait-elle déjà vu si resplendissante ? La petite ne le pensait pas, et se contentait de vivre pleinement la bonne humeur retrouvée et communicante de sa mère.

Filent les mois. Alors qu'Heaven vient d'entamer une nouvelle année scolaire, sa mère semble de plus en plus pensive, dans les nuages. Le soir, c'est pendant des heures qu'elle reste sur l'ordinateur ou au téléphone, un sourire aux lèvres, tandis qu'une fois la communication coupée, son sourire s'éteint de nouveau. A l'école, on signale de nouveau Heaven et son mauvais comportement. La petite répond, et de façon bien plus brute désormais. De même, elle ne laisse passer aucune chamaillerie, et n'hésite pas à se battre à même la salle de classe. La directrice envisage une exclusion temporaire, et demande à ce qu'Anna réagisse au plus vite. Ni une, ni deux, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, Anna annonce à Heaven qu'elles vont emménager à la Nouvelle-Orléans, dans une belle maison proche de celle où elles étaient en vacances. Alors que suite aux excellentes vacances qu'elles y ont passé, Anna s'attend à voir sa fille exploser de joie, c'est une réaction violente que la jeune mère reçoit. Se débattant, hurlant à plein poumons, la petite Heaven jure comme un Diable qu'elle ne partira pas, que leur maison se trouve ici, et quand après de nombreuses supplications sa mère réussit à lui faire avouer pour quelle raison elle se trouve si attachée à New-York, Heaven lui répond que si elles partent, jamais son père ne les retrouvera. Anna reste sous le choc. Heaven. Sa petite Heaven si jeune à l'époque se souvient donc très bien de son père, et contrairement à ce qu'elle prétend, l'attend toujours avec force. Accrochée de tout son saoul à l'histoire de la rencontre entre son père et sa mère que Cynan lui racontait comme un conte, Heaven refuse de partir et de prendre le risque de louper son père si ce dernier venait à revenir. Pourtant, ses colères n'y changeront rien, la décision est prise. Alors qu'Heaven vient de fêter ses huit ans, elle quitte la Grosse Pomme pour rejoindre le cœur de la Louisiane en compagnie de sa mère.



Là-bas, elle retrouve ses amies de vacances, et malgré ses blessures, se radoucit quelque peu en leur compagnie. Parallèlement, Heaven rejoint l'école de la Nouvelle-Orléans et, sans même le savoir, passera plusieurs fois sans le voir devant un garçon du nom de Keegan Scalabrini. Un garçon qu'elle rencontrera un an plus tard quand au terme de nombreux rendez-vous cachés, Anna Hopkins et Mattéo Scalabrini sauteront le pas, et présenteront leurs enfants respectifs à l'autre. Heaven se souvient encore de cette fameuse rencontre. Sa mère qui depuis leur premier voyage à la Nouvelle-Orléans entretenait une romance passagère transformée en amour profond avec l'un des habitants de la ville s'était levée ce matin-là et lui avait demandé de venir s'asseoir près d'elle dans leur grand canapé en cuir blanc, rare meuble rescapé de leur départ de la capitale. Là, elle lui avait expliqué avec des mots adaptés aux enfants une situation qu'Heaven aurait très bien comprise dans un langage plus courant. Sa mère avait donc véritablement effacé son père comme lorsqu'elle avait découpé son visage de toutes leurs photos de famille. Heaven lui en voulait toujours de cela, gardant précieusement, dans une boîte à bijoux désormais, les petites têtes coupées de son père. A peine le choc encaissé, elle avait dut se préparer à rencontrer «Mattéo et son fils Keegan, qu'elle apprécierait sûrement beaucoup». Mouai, la jeune fille en doutait fortement, mais comme à son habitude, se contenta de faire ce qu'elle avait à faire, et suivit sa mère jusqu'à une maison se trouvant non loin de la leur, à peine quelques minutes de voitures. A peine s'était-elle trouvé devant la porte que la voix du dit Mattéo parvint à ses oreilles.


«Je te présente Anna, la femme dont je t'ai parlé. A ses côtés, c'est sa fille ; Heaven. Elle n'a qu'un an de moins que toi, j'espère que vous vous entendrez bien.».

L'homme parlait ainsi à son fils tandis qu'Heaven ne parvenait à quitter ce dernier des yeux. Elle n'aimait pas son air, et lorsque sa mère se pencha pour l'enlacer et que ce dernier la repoussa violemment avant de tirer la langue dans sa direction et de filer, la demoiselle, poings serrés, leva les yeux au ciel. Non, décidément, elle ne s'entendrait jamais avec un garçon aussi idiot et mal élevé, ça c'était certain. La petite Heaven avait beau porter quelques rancœurs à sa mère, elle n'en restait pas moins sa maman, et elle n'autoriserait personne, et surtout pas un gamin malpoli, à la traiter ainsi. C'est sur cette première impression aux allures de dégoût que tout commença entre eux. Et à dater de ce jour, cette nouvelle famille» ne connaîtrait plus jamais le calme.

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Le fil du temps fit que bientôt, Heaven et sa mère durent de nouveau déménager, cette fois pour emménager dans la maison des Scalabrini. Et autant dire que d'entrée de jeux, les choses furent des plus tendues. Si Heaven n'eut aucun mal à accepter les efforts de Mattéo pour se faire apprécier, et à les lui rendre, en ce qui concernait son fils Keegan, les différents semblaient tout simplement insurmontables. A dire vrai, à l'heure actuelle Heaven serait bien incapable de vous dire lequel des deux commença à provoquer l'autre. Toujours est-il qu'à peine la première moquerie fut-elle lancée que la guerre éclata sans aucun espoir de paix à l'horizon, et que l'un et l'autre se plurent à se répondre, à renchérir. Quand Keegan lui volait ses affaires, elle répondait en bousillant les siennes, quand il l'insultait, elle le dénigrait avec mépris, et cela continua ainsi de fil en aiguille, inlassablement, sans que jamais l'un et l'autre ne se lasse de ce manège.
Le temps passant, Keegan devint sa bête noire. Son Némésis. Son ennemi juré. Celui à qui elle ne laisserait jamais le dessus, car à mesure des années passées, ce trait de caractère s'amplifia considérablement chez Heaven. La fillette devenue jeune femme veut avoir le dessus. En a besoin. Besoin d'être toujours à la première place. Une caractéristique qui au lycée et désormais à l'université lui vaut autant d'admiration que de mépris car Heaven est toujours soignée à la perfection, en tête des résultats régionaux, douée en cuisine à en faire pâlir les grands chefs... celle que l'on remarque, et que l'on consulte constamment. Cependant, Keegan lui résiste. Là où tous les garçons, et même ses meilleurs amis se traînent à ses pieds, lui continue de la traiter de grosse vache et de lui faire des crasses. Pas farouche pour deux sous, la jeune femme ne se laisse pas faire, et emploi la vulgarité comme l'on dirait bonjour depuis l'aube de son adolescence, le tout pour mieux fermer le clapet de cet abruti qui se plaît tant à toucher là où ça fait mal, et qu'elle n'appellera jamais «frère». Oui Heaven déteste Keegan. Keegan déteste Heaven. Rien de bien compliqué à comprendre, et pourtant sans qu’elle ne parvienne à le contrôler, peu à peu ce qui n’était qu’un jeu de réplique se transforma en véritable obsession. Gagner. Être celle qui blesse et non celle qui est blessée. Oui, désormais, cette rivalité de frère et sœur s’était changée en une frénésie impulsive encadrant la personne de Keegan, une lutte dont elle ne se remettrait jamais si elle venait à la perdre. Cependant, pour gagner la guerre, il faut que le camp réponde, et malheureusement, depuis quelques temps, Keegan semble complètement indifférent.

Il ne répond plus à ses attaques. Se contente de lever les yeux au ciel ou de soupirer lorsqu’elle hurle. Même ses contacts semblent le laisser de marbre, et tout cela laisse Heaven dans un état d’incompréhension totale. Complètement prise au dépourvue, la jeune femme s’est jurée de faire réagir son frère par n’importe quel moyen, et même le pire.
Et quand sa meilleure amie Eris lui demande l’air agacé pourquoi emmerder Keegan la passionne autant, la demoiselle se retrouve prise de court. Car au fond, Heaven ne cherche que la reconnaissance de son frère, devenant totalement obsédée par l’idée de retrouver leurs anciens rapports. Comme une gamine incapable d’exprimer sa tendresse, et surtout, incapable de reconnaître cette dernière, elle use des pires crasses qu’elle connaisse afin de regagner la relation conflictuelle qu’elle avait auparavant avec lui. Et gare à celles qui voudraient détourner l’attention de Keegan d’elle, car Heaven a développé en même temps que son obsédante mission une possessivité qui ne laisse aucun doute.

On dit de l’amour et de la haine qu’ils sont des parents consanguins, une théorie qu’Heaven est sur le point de vérifier de
la façon la plus surprenante qui soit.