« Avery, vient plutôt jouer avec ton frère que de lire ce livre ! » J'avais huit ans et c'était toujours comme ça. J'aimais lire depuis que j'étais toute petite mais ma mère préférait me voir jouer plutôt que de passer mes yeux sur des phrases et des dessins, comme si elle voulait se rassurer de quelque chose. Elle avait été convoquée par la maîtresse deux jours plus tôt.
« Votre fille est comment dire... Elle préfère rester dans son coin à lire, plutôt que de parler avec ses petits camarades. Puis, pendant les matières enseignées, elle est souvent dans la lune... » Par son regard, elle avait bien sous-entendu à ma mère que j'avais un problème dans la tête. Moi, je ne voyais pas où était le mal de lire des livres, et de s'imaginer des mondes qui n'existaient pas. Je lâcha mon livre pour rejoindre mon frère dans le jardin qui était en train de jouer au football. Je m'asseyais en tailleur en mettant mon menton dans le creux de la paume de ma main. J'adorais mon frère. Je l'aimais plus que tout. Je n'avais rien contre lui. Je Je me décidais à aller tirer quelques balles quand il me disait de venir pour jouer avec lui. On avait le même âge et je n'arrivais pas à jouer aux jeux d'enfants. Il était mon frère jumeau, mon meilleur ami. Je n'avais pas de meilleurs amis à l'école. J'avais un ou deux amis et ça s'arrêtait là. J'étais trop bizarre pour les autres.
« Et si les nuages étaient fait en barbe-à-papa ? Ce serait bien, on pourrait en prendre quand on est dans l'avion et en manger ! » « AVERY CA SUFFIT ! » Ma mère ne s'était jamais mise en colère et je commençais à pleurer à chaudes larmes. J'aimais bien imaginer des choses impossibles. Ma mère était fatiguée. Le soir même elle confisque mes contes de fées et je dormis avec ma peluche dans les bras en pleurant.
Je n'aimais pas le lycée. Mon frère était comme un poisson dans l'eau, très sociable et plutôt beau garçon il plaisait à pas mal de filles. Il était même dans l'équipe de base-ball du lycée. Moi j'étais tout simplement la soeur bizarre.
« Eh Avery ! Il paraît que tu aurais rencontré le grand méchant loup ? » Fit une fille avant d'éclater de rire avec sa bande d'amies. Elles gloussaient comme des poules et je ne répondis rien. Mon frère arriva, après son match, avant de venir à ma hauteur.
« C'est dommage que tu n'es pas venu ! C'était génial ! Tu aurais vu ! » Il état tout excité et je gardais un sourire.
« Charlie ! Tu viens ? » Sa petite amie de lycée. Le genre de fille dont tout le monde s'extasie, sauf moi. Elle me sortait pas les yeux.
« Euh ouai j'arrive ! Dis Avery, tu pourras dire aux parents que je rentre tard ? Je vais à une fête ! » « Oui sans problème. » Les fêtes s'étaient toujours Charlie qui y allait, moi non. Je le vis prendre la main de sa petite copine et de l'embrasser. Je n'aurai plus à supporter ce spectacle dans quelques mois, c'est ce que je me disais. Je l'aimais mon frère mais je l'enviais un peu d'avoir ce contact aussi facile avec les gens.
« Je me demande toujours comme ça se fait que vous êtes frères et sœurs. » Je riais légèrement de la remarque de mon amie avant de prendre mes livres dans mon casier. On allait en cours de français, il avait fallu faire une de nos premières rédactions dans cette langue étrangère et pour une fois un professeur me félicita devant toute la classe.
« Langue parfaite et j'ai vraiment aimé votre histoire, vous avez beaucoup d'imagination mademoiselle Wheeler. Continuez comme ça. » Il posa ma feuille sur ma table. J'avais eu la meilleure note, mais c'est surtout l'encouragement qui m'avait réchauffé le cœur. Je n'étais pas bizarre comme beaucoup de gens le disait, j'étais juste un peu dans mon monde.
J'avais mal à la tête. Ma maladresse me causait par fois des torts, mais pas à ce point là. Je n'avais pas regardé où je marchais et je m'étais prise un lampadaire. Coup classique, ironique. Cela m'avait assommée sur le coup. On m'avait conduite à l'hôpital. Charlie avait été appelé et elle était assise sur un siège près du mur.
« Sérieusement Avery, tu fais même les gags les plus débiles des dessins animés ! » Je la regardais, fronçant les sourcils. Je ne le faisais pas exprès. Le médecin était passé quelques minutes plus tôt pour voir si je ne m'étais pas fait une commotion, ça aurait été encore plus ironique. Non, j'avais eu de la chance sur le coup. Il m'avait dit qu'un infirmier viendrait s'occuper de moi, voir si je pourrais partir. J'attendis calmement en massant ma tête. « Mademoiselle Wheeler ? » Une voix m'interpella, je releva la tête avant de voir l'infirmier en question. Mignon. Carrément mignon même. Je commençais à rougir et je posais mes mains sur mon visage.
« Bon je dois passer un coup de fil, je te récupère après ! » je vis mon frère sortir de la chambre avec un téléphone en main. Je pourrais être à l'article de la mort qu'il préférerait répondre au téléphone !
« Vous avez mal à la tête ? » Je sentais la chaleur au niveau de mes joues. Non il n'avait pas le droit de sourire comme ça, c'était diabolique ! « Parce que ça fait cinq minutes que vous vous tenez la tête... » La honte. Je rabaissa mes mains, me calmant intérieurement.
« Il paraît que vous vous êtes pris un lampadaire ? » Je le vis bien son sourire en coin, la honte suprême. Qui se prenait un lampadaire de nos jours ?
« Je vais très bien ! » Dis-je d'un air convaincu avant de me lever pour lui montrer que je pétais la forme. Je manqua de me casser la figure car le carrelage était particulièrement glissant et il me retint par le bras.
« C'est ce que je vois... » « C'est, c'est pas si terrible. Enfin, je vais bien hein. » Il allait me prendre pour une folle. Je n'arrivais même pas à le regarder en face. Il était trop mignon, TROP même ! Je suppliais ma sœur de revenir à cet instant pour me libérer mais elle ne revenait pas. Ah je la haïssais !
« Je peux rentrer, je vous dis que ça va très bien. » il me regardait d'un air soucieux. Au bout d'une quinzaine de minutes ma sœur revint et il soupira en disant que d'accord, je sortais, accompagnée et surveillée pendant vingt-quatre heures.
« Et évitez les lampadaires la prochaine fois ! » J'avais le rouge qui me montait aux oreilles en sortant, je le cachais tant bien que mal à Charlie, car lui, il aurait rigolé.
Je l'avais revu et mon cœur s'était deux fois plus affolé. Je crois vraiment que j'ai un grand coup de cœur pour cet homme. Il ne m'avait pas trouvé bizarre avec mes idées farfelues, il avait même beaucoup ri. Au début j'avais eu peur que ce soit de la moquerie mais finalement non ; J'étais dans ma bulle depuis un long moment ;
« Avery ! La Terre appelle la Lune ! » Je posai mon regard sur ma meilleure amie. On déjeunait ensemble tous les midis pratiquement pendant notre pause déjeuner.
« Excuse-moi tu disais ? » « Je disais que le stagiaire dans ma boîte est trop canon et que sérieusement j'en prendrai bien un morceau ! Mais ça fait deux fois que je t'appelle, tu es malade ou quoi ? » Je fis un léger sourire avant de planter ma fourchette dans la salade césar que je mangeais.
« Il y a un truc que tu as oublié de me dire ? » « Non rien. » « Tu penses toujours à lui ? » « Arrête. » « Moi je dis que si ça se trouve tu ne le reverras pas et que tu dois prendre les devants ! Il faut qu'on te trouve un mec ! Un mec bien ! » Elle savait que je n'étais pas du genre à coucher avec n'importe qui, elle me disait qu'après tout je faisais ce que je veux. Je soupirais longuement en jouant avec les tomates dans ma salade.
« Tu penses que je suis folle ? » « Bah, une fille amoureuse est toujours folle non ? » Amoureuse. Vraiment ?
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